Partie II
de La grande interview du Géopoliticien Luc MICHEL
par Jan Vanzeebroeck et Samar Radwan (Beyrouth) …
SUR LE SITE ARABE ‘SITA INSTITUTE’ :
DJIHADISMES – TERRORISME – IMMIGRATION. QUAND L’AGENDA PROCHE-ORIENTAL S’IMPOSE EN EUROPE …
(version française)
Le Géopoliticien Luc MICHEL répond aux questions du Site arabe SITA INSTITUTE (Liban) (*) :
* SITA/ Question :
UN RAPPORT D’UNE TELEVISION LIBANAISE EVOQUE L’EXISTENCE D’UN "BRUSSELSTAN", C’EST-A-DIRE UN ESPACE OUVERT AUX TERRORISTES EN BELGIQUE. EST-CE VRAI ? SINON, QUELS SONT LE RÔLE ET LA POSITION DU GOUVERNEMENT BELGE EN LA MATIERE ?
Luc MICHEL :
Votre question sur un « Brusselstan » est exacte au fond, mais pas exacte dans la formulation. Il y a derrière tout ça l'exemple de ce qu'on a appelé le « Londonistan », c'est-à-dire que dans les années 1980, c'est-à-dire au début de l'engagement occidental, où les canadiens et les britanniques ont joué un grand rôle aux près des américains, contres les soviétiques et la République populaire d'Afghanistan, dans cette guerre d'Afghanistan qui a vu l'alignement des djihadismes avec un certain Ben Laden, les wahhabites pakistanais, saoudiens, etc.. avec les occidentaux pour vaincre les soviétiques. On avait alors transformé Londres en capitale de l'islamisme, en base arrière des djihadismes. C'est ce qu'un auteur britannique précisément dans un livre retentissant avait appelé le « Londonistan ». Ce « Londonistan », il a existé des année 1980 aux années 2002-200, lorsque évidement après les attentats du 11 septembre, les britanniques a l'instigation du régime Bush II ont changé leur façon de voir. Changer c'est très cosmétique, puisque toutes les structures islamistes radicales sont restées en place, les mosquées radicalisées, les centres d'enseignements. Et parce que la collaboration avec les djihadistes a continué derrière une façade de « lutte contre le terrorisme » une fois de plus. Elle a continué notamment, comme le relèvera l'attentat de Birmingham, avec les islamistes libyens en lutte contre Kadhafi. Elle a continué dès que s'est préparé le soi-disant « Printemp arabe », puisque les djihadistes ont été mobilisés contre tout les régimes laïcs, nationalistes arabes, notamment tunisien, égyptien, algérien, libyen, et aussi surtout et encore contre la Syrie ba’athiste.
Donc ce londonistan a inspiré d'autres analyses sur l'existence de base arrières similaires et la Belgique joue un rôle de premier plan dans tout cela. Pas avec un soi-disant « Brusselstan », mais avec trois villes, qui sont la base du djihadisme non seulement belge mais ouest-européen. Ce sont pour commencer les villes de Verviers, de Charleroi. Verviers et Charleroi sont deux grandes villes ex-industrielles en Wallonie, qui ont été ruinées par la globalisation, où existe un taux très fort à la fois d'immigration et de chômage. Le troisième centre évidemment, qui est aujourd'hui mondialement connu, c'est la fameuse commune de Molenbeek, l'une des 19 communes de la région de Bruxelles-Capitale, Molenbeek qui est véritablement l'épicentre du djihadisme belge et ouest-européen, avec des relais notamment avec les attentas qui ont eu lieu à Paris en 2015.
* SITA/ QUESTION :
MAIS DERRIERE TOUT ÇA, POURQUOI LA BELGIQUE ?
Luc MICHEL :
Cela s'explique pour deux raisons.
Tout d'abord parce qu’au début des années ’90, alors que l'immigration d'origine arabe était d'envoie d'intégration en Belgique, et que ces arabes devenaient des citoyens comme les autres, on a pour des raisons, qui sont financières et sans doute liées à la grande corruption qui est typique de la vie des grands partis politiques belges, confié les Mosquées de Belgique à l'Arabie saoudite. C'est-à-dire qu'on a demandé aux renards de garder les poules, les saoudiens ont amené des imams wahhabites, ont commencé a développer leur idéologie radicale. Qui, rappelons-le, est la matrice idéologique de tous les djihadismes, que se soit ceux d'Al-Qaida, de Ben Laden ou encore de Daech. Il ya derrière tout ça cette grande erreur de la Belgique. On tente seulement aujourd'hui, en 2018, d'y mettre un terme, puisqu’au terme d'un grand scandale qui est lié particulièrement à l'arrivée du terrorisme dans l'Europe de l'Ouest l'Arabie Saoudite s'apprête à remettre la gestion de ses Mosquées à la Belgique. Qui ne sait pas il faut le dire, parlons honnêtement, quoi en faire ! Voir aussi les errements similaires du régime de Sarkozy et de Hollande, qui ont confié les Mosquées de la banlieue parisienne et de Marseille au Qatar, autre puissance wahhabite, autre parrain du terrorisme.
Il y a une deuxième chose qui explique évidement le développement de cet Islam radical , ce sont les liens existants entres la démocratie-chrétienne belge, la démocratie-chrétienne allemande et l'AKP, c'est-à-dire les islamistes conservateurs qui sont le troisième parrain du terrorisme, ceux d'Erdogan en Turquie. Il y a depuis plus de 15 ans des liens étroits entres la démocratie-chrétienne, c'est-à-dire le conservatisme Catholique, et l'AKP d'Erdogan, c'est à dire le conservatisme musulman. L'AKP a même obtenu un statut d'obsevateur au sein du fameux Parti Populaire Européen, qui est la structure transnationale, notamment au niveau du Parlement européen, qui unit tous les partis de la démocratie-chrétienne. Pourquoi la Belgique mais aussi l'Allemagne ? Tout simplement parce que ce sont deux pays ou la démocratie-chrétienne est puissante ou l'a été. En Belgique, elle a été la principale force de gouvernement depuis les années 30 jusqu'au élections de 2010, où elle a prit une veste électorale. Et donc des structures, des relais existent. On a notament laissé les communautés turques être prises en mains par l'AKP d'Erdogan et par leurs complices, qui est une organisation d'extrême-droite turque, qu'on appel les « loups gris », qui sont un mélange d'ultras-nationalisme et de conservatisme islamique.
La communauté turque en Belgique, qui était encore plus en voie d'assimilation que la communauté marocaine, a donc commencé a constitué des ghettos. Il y a également un poids en Belgique et en Allemagne, qui est celui évidement de cette immigration turque. Une commune comme Saint-Josse, qui une des 19 communes de Bruxelles-Capitale, a un bourgmestre d'origine turque et a même eu un ministre au gouvernement bruxellois d'origine social-démocrate lui, qui s'appelle Emir kir. Les « loups gris », l'AKP sont chez eux en Belgique, Erdogan a même pu organiser des meetings, manipuler la population. L'AKP d'Erdogan d'ailleurs a pu développer des contact pas seulement avec la démocratie-chrétienne, mais comme je vous l'expliquais avec la social-démocratie belge, celle du PS ou du SP.
Voilà pourquoi aujourd'hui on peut évidement à Verviers, Charleroi ou à Molenbeek parler non pas d'un « Brusselstan » mais d'un « Belgistan », Belgistan est d'ailleurs le nom de la Belgique en turc …
* SITA/ Question :
QUEL EST LE DEVENIR DE LA "CONVENTION DE DUBLIN" ? SERA-T-ELLE RENEGOCIEE ET MODIFIÉE ? LES ETATS DE L’UE SONT-ILS D'ACCORD SUR LES RÉFUGIÉS ET LES PROBLÈMES DE L’IMMIGRATION ?
Luc MICHEL :
La question de la Convention de Dublin, qui a été conclue en 1990, et qui a été remplacée en 2003 par ce qu'on appelle « Dublin II », est une convention qui vise a organiser au sein de l'Espace européen la Convention de Genève sur les réfugiés. A partir de 2003 elle a été étendue non seulement aux pays de l'Union Européenne, et bien entendu à cette partie de l'UE qui forme un noyau sécuritaire dur et qui est ce qu'on appelle l'Espace Shengen, mais elle a aussi été étendue à des pays extra UE, comme la Suisse, la Finlande ou la Norvège.
Quelle est le principe de Dublin II ? Ou de Dublin 1990 ? C'est que le réfugié fait sa demande pour être accepté comme réfugié politique dans un seul pays et que ce pays est celui de son arrivée. C'est pour ça que Shengen par exemple insiste particulièrement, même pour les visas de visites courtes ou de tourisme de 3 mois, pour que lorsque vous obtenez un visa Shengen votre arrivée se fasse bien dans le pays dans le pays qui l'a accordé. J'ai eu l'occasion lors d'un voyage à Kiev à l’hiver 2003, que j'avais fais par autocar Euroline, de voir cet aspect de Shengen à la frontière entre l'Allemagne et l'Autriche, où on avait arrêté de nombreux voyageurs ukrainiens qui étaient dans mon car. On les a traités de façon ignoble. J'ai personnellement protesté contre une lieutenant de la Grenzshutz Polizei allemande, en lui rappelant qu'en 1945, c'était eux qui avaient perdu la guerre et pas les soviétiques ou les ukrainiens. Mais on reprochait à ces gens avec des visas Shengen français d'être dans un autocar pour Bruxelles, ils ont été débarqués et ils n’ont pas pu reprendre leurs voyage …
La renégociation aujourd'hui de Dublin II est importante puisque l'immigration aujourd'hui est une question centrale dans l'Union Européenne, je vais m'en expliquer ensuite. Et par ce qui est évidement une immigration sauvage, qui vient par des voies terrestres depuis la Syrie et le Proche-Orient ou par des voies maritimes depuis l'Afrique, depuis les côtes principalement de la Libye ou du Maroc. Et bien cette immigration, elle se fait évidement toujours vers les mêmes pays, c'est-dire principalement l'Espagne, la Grèce, et encore plus évidemment l'Italie, avec la fameuse île de Lampedusa au large de la Sicile Les italiens n'en peuvent plus, ils supportent toute la charge, on leurs renvoit à longueur d'années des réfugiés qui sont rentré par là. C'est çà la renégociation de Dublin II.
* SITA/ Question :
DERRIERE TOUT ÇA, IL Y A LE FAIT QUE L'IMMIGRATION EST DEVENUE UNE QUESTION CENTRALE DANS L’UE ?
Luc MICHEL :
Oui ! Mais tout d'abord comment tout cela est-il arrivé ? C'est une opération américaine, qui est notamment soutenue par ce qu'on appelle les « vitrines légales de la CIA », ces organismes d'Etat financés sur le budget de l'Etat américain, qui eux-mêmes organisent une galaxie d'ONG. Soutenue aussi par aussi les réseaux de George Sorös, qui a prit une part prépondérante dans la promotion de cette immigration sauvage vers l'Europe. Et bien tout cela évidement est un instrument que les américains ont développé en marge de leur guerres au Proche-Orient et en Afrique, pour « casser » l'Europe, la diviser profondément, vous savez qu'il ya une contradiction interne fondamental aux sein du Bloc-américano occidental.
C’est là la « contradiction interne » de ce Bloc, pour parler en termes marxistes-lénisistes, qui l'explique très bien : l'allié géopolitique, militaire, diplomatique principal des Etats-Unis, c'est-à-dire les pays de l'Union Européenne, rassemblés dans l’OTAN, est aussi l'adversaire économique et financière, monétaire, des USA ! Il y a une guerre commerciale entres les Etats-Unis et l'Union Européenne depuis le début des années 1980 et il y a une immense guerre monétaire entre le dollar et l'euro. D'un côté nous avons les structures supranationales de l'UE en matières économiques et financières, et de l'autre nous avons les structures supranationales de l'OTAN. L'OTAN qui n'est pas le « bouclier de l'Europe », mais rappelons-le, comme le disait le grand géopoliticien Jean Thiriart dès les années 60, « l'OTAN c'est le harnais de l'Europe », un harnais c'est ce qui sert à maintenir un animal de trait, qui en fait sa puissance de travail au service de son maître. C'est ce qu'est l'OTAN pour les américains, c'est le deuxième poumon de l'Amérique et on ne comprends rien à la superpuissance amércaine si on ne comprends pas qu'elle repose sur deux piliers : le pilier nord-américaine et précisément le second pilier ouest-européen. Relisez les oeuvres du géopoliticien Jean Thiriart, ou celle qui semblent en être le négatif, le « Grand échiquier » de Zbigniew Brzezinski.
Ce qui a changé évidemment avec cette instrumentalisation de l'immigration c'est que l'immigration est devenue un thème central dans la politique européenne. On comprends mieux à ce moments-là par exemple le clash immense entre le milliardaire George Sorös, immense puissance politico-médiatique avec sa fortune de 34 milliards de dollars. Comparez à côté de cela la fortune de Trump, qui pèse entre 2 et 3 milliards de dollars, Sorös a dit un jour avec un ton sarcastique que « Trump était un pauvre » … Il y a un bras de fer actuellement entre le pays qui est en pointe dans l'Union Européenne contre l'acceptation des immigrés, la Hongrie de Victor Orban, et Sorös, cet ancien réfugiés hongrois devenu citoyen américain, qui a le centre de son système éducatif avec son Université de la Société ouverte à Budapest. George Sorös est un immigré hongrois ayant fuit l'Europe antisémite en 1944.
Ce bras de fer n'a bien entendu aucun rapport avec l'antisémitisme, mais tout à voir avec cette immigration. On a vu il y a quelques jours la chaîne France24 interviewer précisément le ministre de l'intérieur hongrois, lui reprochant une « campagne antisémite contre Sorös ». France 24 n'expliquait pas que dans cette soi-disant « campagne antisémite », Orban était allié avec le Likoud de Netanyahou, qui est allé en Hongrie soutenir Orban et qui a prit exactement commee les hongrois un train de mesures législatives pour empêcher Soros cette fois-ci non plus de financer en Hongrie des ONG anti-hongroise, mais de financer en israel des ONG anti-israeliennes. Vous savez qu'Israël est aussi soumis à ce grand problème de l'immigration venue d'Afrique, qu'elle traite, parce que les israéliens peuvent tout se permettre dans ce domaine, avec un ultra-racisme xénophobe, qu'on n’oserait pas employer en Europe.
L'immigration c'est donc devenu un thème central. Ce thème, qui était marginal, mais qui a permit à des partis d'extrême-droite, notamment au Front National des Le Pen d'émerger, a été mis à cause de cette question de l'immigration sauvage depuis 2 ans, au cœur des thèmes des campagnes électorales, de la Présidentielle française par exemple. De la campagne de Merkel en Allemagne , qui a du malgré sa victoire au élections et la défaite des sociaux-démocrates du SPD, faire avec eux une « grande coalition », où le SPD défait dans les urnes est le gagnant dans le gouvernement, parce qu'il y a la grande montée d'un parti xénophobe et raciste, qui est l'AFD. C'est le même problème partout en Europe et c'est cette position centrale de l'immigration dans le débat électoral et dans la défaite électorale possible ou probable des grand leaders de la politique Ouest-européenne qui vous explique la renégociation inévitable de Dublin II.
A SUIVRE …
(Interview par Jan VANZEEBROECK, Expert EODE et correspondant de SITA INSTITUTE, et Samar Radwan, Beyrouth)
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