LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
2018 05 14/
« Le CPEC lui-même est un axe de la vaste initiative chinoise "One Belt One Road", visant au développement d'une ceinture terrestre et d'une route maritime, impliquant quelque 65 pays. Pour ce qui est du Pakistan, le défi apparaît gigantesque dans un pays aux institutions fragiles, où sévissent des kyrielles de groupes violents d'inspiration jihadiste ou séparatiste, et où la corruption est endémique »
– AFP (25 octobre 2017).
Le « Corridor économique sino-pakistanais » (CPEC) est un accord historique signé entre Pékin et Islamabad en mai 2015. Où la géoéconomie débouche sur une révolution géopolitique, qui voit le Pakistan, allié traditionnel des USA depuis les Années ’70, se détourner de Washington, et répondre à l’appel de l’Eurasie, celui de l’Axe Moscou-Pékin (1) …
* Voir aussi :
L’ACTUALITE QUI CONFIRME L’ANALYSE :
LE PROJET DE ‘CORRIDOR ECONOMIQUE SINO-PAKISTANAIS’ (CPEC) RAPPROCHE LE PAKISTAN DE PEKIN AU DETRIMENT DE WASHINGTON
LA POSITION AMERICAINE :
WASHINGTON OPPOSE AU CORRIDOR ECONOMIQUE SINO-PAKISTANAIS
Alors que depuis un certain temps, la Maison-Blanche évoque un changement de sa politique envers le Pakistan sous prétexte de « guerre aux terroristes actifs en Afghanistan », et où Trump multiplie les vexations et les menaces contre Islamabad, le secrétaire américain à la Défense James Mattis révélait début octobre 2017 les raisons de l’hostilité américaine : « Nous protestons contre le projet appelé le Corridor économique sino-pakistanais (CPEC) ».
« Le CPEC traverse le territoire disputé du Cachemire (2) entre le Pakistan et l’Inde et l’acharnement de la Chine et du Pakistan à réaliser ce projet est dangereux », avait ajouté Mattis à la tribune du Sénat américain. « Aucun projet au monde ne peut être réalisé avec entêtement et acharnement ; ainsi, Washington s’oppose vivement au CPEC », avait-il affirmé.
En allusion aux opérations menées conjointement par la Chine et les États-Unis en Afghanistan, il s’est exprimé en ces termes : « Nous n’aimons pas qu’il y ait des ambiguïtés en ce qui concerne la Chine. À présent, nous divergeons tout à fait sur ces questions. » Le président américain, Donald Trump, a accusé, dès octobre 2017, le Pakistan de « soutenir les terroristes qui sont actifs en Afghanistan » et a menacé de couper les aides financières américaines, depuis lors suspendues.
D’après plusieurs experts, dont je partage les analyses, le rapprochement entre la Chine et le Pakistan créerait une crise dans les relations entre Washington et Islamabad. Actuellement Pékin et Islamabad ont commencé la réalisation du CPEC et la Chine a investi plus de 436 milliards de dollars au Pakistan.
Il est à noter le CPEC raccourcira de 7 000 km le chemin emprunté pour transporter le pétrole vers la Chine et les Américains ne pourront donc plus désormais surveiller le trafic des pétroliers chinois. Les hommes d’État d’Islamabad ont déclaré que « leurs relations avec la Chine étaient plus importantes que celles avec les Etats-Unis » et que « Trump ne pourrait pas entraver l’avancement de ce projet avec ses menaces ».
LA VISION CHINOISE :
XI JINPING APPELLE A PROMOUVOIR LA CONSTRUCTION DU COULOIR ECONOMIQUE SINO-PAKISTANAIS
Le président chinois, Xi Jinping, appelait en mai 2017, il y a tout juste un an, à promouvoir la construction du Couloir économique sino-pakistanais. Xi avait fait ces remarques lors de sa rencontre avec le Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, lequel se trouvait à Beijing pour assister au Forum de "la Ceinture et la Route" (Projet OBOR, « One Belt One Road », ou encore les « nouvelles routes de la Soie ») (3) pour la coopération internationale, qui s’est tenu les 14 et 15 mai 2017.
Les projets supplémentaires à l'intérieur et autour du port de Gwadar doivent progresser de manière stable, et l'étude sur la construction de parcs industriels le long du corridor doit être facilitée, avait alors noté Xi. Qui avait souligné que la planification à long terme de ce couloir devait être achevée le plus tôt possible et que les programmes de coopération couvrant l'énergie, les infrastructures de transports et la qualité de vie du peuple devaient être promus et mis en oeuvre.
« Les relations sino-pakistanaises restent une priorité pour la Chine, qui souhaite enrichir le partenariat de coopération stratégique à toute épreuve avec le Pakistan », avait encore indiqué le président chinois. « Les deux parties doivent non seulement poursuivre les échanges de haut niveau, mais aussi renforcer les interactions entre leurs gouvernements, leurs organes législatifs et leurs partis politiques », avait expliqué M. Xi. Selon lui, « les deux pays doivent renforcer la coopération dans les domaines tels que l'anti-terrorisme et la sécurité, et accroître la coordination sur les affaires internationales et régionales majeures ».
DE LA GEOECONOMIE A L’INTEGRATION GEOPOLITIQUE :
LE PAKISTAN DANS L'ORGANISATION DE COOPERATION DE SHANGHAI (OCS)
La Chine souhaite approfondir la coopération avec le Pakistan dans le cadre de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), avait ajouté Xi Jinping.
Nawaz Sharif avait pour sa part déclaré que l'amitié traditionnelle entre le Pakistan et la Chine était solide, soulignant que l'approfondissement des relations avec la Chine et la participation à la coopération pour la construction du projet "la Ceinture et la Route" (OBOR) « représentaient un consensus national ». « Le Pakistan souhaite collaborer avec la Chine pour activement mettre en oeuvre divers projets liés au corridor et faire avancer de manière stable la coopération sur l'énergie et la construction d'infrastructures, dont le programme du port de Gwadar », avait-il noté.
Sharif avait lui indiqué que le Pakistan continuerait à mener une coordination et une coopération avec la Chine dans plusieurs cadres multilatéraux, dont l'OCS, afin de contribuer à la stabilité et au développement dans la région et le monde.
AU CENTRE DU PROJET CPEC :
A GWADAR, LA CHINE SE BATIT UN PORT D'AMBITION MONDIALE
Dans un coin oublié du Pakistan, la Chine se bâtit un port d'ambition mondiale …
« Gwadar, modeste port de pêche au sud du Pakistan, veut croire à son étoile. Pauvre et excentré, il a été choisi comme clé de voûte de l'ambitieux projet de développement que nourrit la Chine pour son instable voisin occidental » commentait l’AFP (25 oct. 2017) : « Situé sur une péninsule aride en queue de baleine sur la mer d'Arabie, Gwadar ("porte du vent" en langue baloutche) doit son élection à son emplacement stratégique, susceptible de lui valoir à long terme une place de choix dans le commerce mondial. La ville doit devenir la tête de pont du Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), un projet multiforme de 54 milliards de dollars lancé en 2013 visant à relier l'ouest de la Chine à l'océan Indien via le Pakistan ».
"Ce port va aider le Pakistan à nouer des liens avec les pays voisins. La nation toute entière tirera profit de Gwadar", espère le président du projet, Dostain Khan Jamaldini. Mais ses premiers bénéficiaires seront "les gens de Gwadar et de l'ouest du Pakistan", dit-il.
Le sujet des retombées économiques est ultrasensible dans la province du Baloutchistan, la plus pauvre et l'une des plus violentes du pays. Sa population se sent méprisée par Islamabad et spoliée de ses hydrocarbures et minéraux. Des insurgés séparatistes ont plusieurs fois attaqué les travaux du CPEC ou des ouvriers chinois.
Le projet, conçu à l'horizon 2055, prévoit de construire le premier port en eaux profondes du pays, une zone franche pour l'industrie et 50 km de quais. Le tout près du stratégique détroit d'Ormuz. Bien qu'il repose sur la généreuse Chine, il est ouvert à d'autres investisseurs. "Le port de Gwadar n'est pas chinois: notre partenaire principal est chinois et nous apprécions leur audace. Ils sont venus à Gwadar quand personne n'acceptait" de le faire, souligne M. Jamaldini.
GWADAR TERRITOIRE DISPUTE :
UN PROJET CPEC QUI IRRITE AUSSI L’INDE
La Chine a depuis des années l'oeil sur Gwadar. Elle a financé une grande partie du port initial et repris le contrat, un temps détenu par un groupe singapourien, en 2013. Le CPEC est loin de faire l'unanimité dans la région. L'Inde ne fait pas mystère de ses réticences, lui reprochant notamment de traverser le Cachemire, pomme de discorde entre les deux pays.
Le chef du Pentagone Jim Mattis a récemment repris cet argument, critiquant son tracé via un "territoire disputé". Une attaque perçue au Pakistan comme une tentative de "contenir la Chine" et favoriser l'Inde.
Au-delà de la diplomatie, la sécurité reste une question-clé à Gwadar, admet le brigadier Kamal Azfar, qui y dirige la Brigade 440, créée pour protéger le CPEC. Des forces hostiles veulent "saborder ou stopper le CPEC", affirme-t-il en allusion au rival indien, accusé de mener des opérations de déstabilisation en sous-main pour priver le Pakistan de cet "énorme potentiel". Un plan d'études de 2004, en cours de réexamen, prévoit une population plus que décuplée en 2050, à 1,7 million d'habitants, dit-il. Les emplois iront en priorité aux locaux, "puis aux Baloutches, puis aux gens du reste du Pakistan", affirme-t-il.
Décidément, les USA sont bien en train de perdre Islamabad …
NOTES ET RENVOIS :
(1) Voir sur le dossier Pakistan – Intégration eurasiatique :
sur LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY :
* L’APPEL DE L’EURASIE EN MARCHE :
L’ADMINISTRATION TRUMP EST-ELLE EN TRAIN DE PERDRE LE PAKISTAN AU PROFIT DE PEKIN (ET DE MOSCOU) ?
sur http://www.lucmichel.net/2018/01/08/luc-michels-geopolitical-daily-lappel-de-leurasie-en-marche-ladministration-trump-est-elle-en-train-de-perdre-le-pakistan-au-profit-de-pekin-et-de-moscou/
* L’APPEL DE L’EURASIE EN MARCHE (II) :
LE PAKISTAN SE TOURNE VERS L’ORGANISATION DE COOPERATION DE SHANGHAI
sur http://www.lucmichel.net/2018/03/16/luc-michels-geopolitical-daily-lappel-de-leurasie-en-marche-ii-le-pakistan-se-tourne-vers-lorganisation-de-cooperation-de-shanghai/
* UN VRAI TOURNANT GEOPOLITIQUE EN ASIE :
LE PAKISTAN SE DETOURNE CHAQUE JOUR DAVANTAGE DE l’ALLIANCE AMERICAINE
sur https://www.eode.org/luc-michels-geopolitical-daily-un-vrai-tournant-geopolitique-en-asie-le-pakistan-se-detourne-chaque-jour-davantage-de-lalliance-americaine/
* GEOECONOMIE & EURASIE : LE CORRIDOR NORD-SUD BOULEVERSE LES ALLIANCES GEOPOLITIQUES ET LE ‘GRAND JEU’ DU PROCHE-ORIENT …
Sur http://www.lucmichel.net/2017/09/08/luc-michels-geopolitical-daily-geoeconomie-eurasie-le-corridor-nord-sud-bouleverse-les-alliances-geopolitiques-et-le-grand-jeu-du-proche-orient/
(2) Le conflit opposant l'Inde et le Pakistan au sujet du Cachemire est profond, plonge ses racines dans le passé des deux pays et structure leurs relations bilatérales, tumultueuses depuis 1947. Cette rivalité ininterrompue, les trois conflits qu'elle a provoqués ont conduit à figer la situation sur le terrain, au détriment des populations concernées. L'Inde revendique la totalité du Cachemire. Jusqu'à présent, doutant peut-être de la "loyauté" des Cachemiris à l'endroit de l'Union indienne, elle a toujours refusé d'organiser le référendum d'autodétermination prôné par l'ONU. Elle reproche au Pakistan de mener une "guerre par procuration" au Cachemire indien et d'encourager les incursions de combattants islamistes, qui bénéficieraient de l'aide des services secrets d'Islamabad, l'Interservices Intelligence Agency (ISI). "Pour l'Inde, la fédération indienne est à même d'accueillir en son sein toutes les religions et tous les particularismes, la république indienne est laïque et "pluriethnique", même si la majorité de la population de l'Inde est de religion hindoue. Les musulmans ont en Inde les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres citoyens. Le Pakistan, a contrario, a été créé pour rassembler tous les musulmans de l'ancien Empire des Indes. A ce titre, la population du Cachemire a toute sa place au sein du Pakistan. Pour chacun des deux États, le conflit est le signe que l'autre refuse la règle de la Partition. En Inde, certains y voient le souhait du Pakistan de rassembler tous les musulmans habitant en Inde au-delà même du Cachemire et estiment que tout compromis à son sujet menacerait l'intégrité de la fédération" (selon le rapport n° 336 du Sénat français, 24 juin 2002).
Le Pakistan, quant à lui, considère qu'il a naturellement vocation à exercer sa souveraineté sur le Cachemire, dans la mesure où l'essentiel de la population en est musulmane. Il nie toute légitimité aux élections régionales indiennes. "Au Pakistan, en revanche, l'attitude de l'Inde au Cachemire est vécue comme le refus de la Partition, de l'existence même du Pakistan et de sa vocation historique à accueillir et garantir les droits des musulmans. Enfin, comme en Europe entre la France et l'Allemagne, le conflit territorial au sujet du Cachemire a structuré la diplomatie des deux États, les a incité à participer à des systèmes d'alliances opposés et à nouer des alliances de revers. Le Pakistan, d'une part, s'est allié aux États-Unis et à la Chine. L'Inde, d'autre part, a trouvé appui auprès de l'Union soviétique" (toujours selon " (selon le rapport du Sénat français).
L’intégration eurasiatique, appuyée sur le nouvel Axe Moscou (projet de l’Espace Economique Eurasiatique) – Pékin (projet OBOR) a rabattu les cartes géopolitiques. Tout d’abord de rivaux, russes et chinois (alliés aux USA de 1972 à la fin de la Guerre froide) ont forgé une alliance solide. Et le projet des « nouvelles routes de la Soie » détourne le Pakistan des USA. Mais réoriente l’Inde vers les USA et la France contre à la fois Pékin (dans l’Océan indien) et Islamabad (au Cachemire toujours).
(3) Au cœur du concept des « nouvelles routes de la Soie », lancé par Pékin, l’unité économique de l’Eurasie, mais aussi un pont unificateur entre l’Afrique et l’Eurasie vers « l’Axe Eurasie-Afrique » …
Et aux origines idéologiques et géopolitiques des concepts d’ « Eurasisme », de « Néoeurasisme », des « nouvelles routes de la soie » et de l’ « Axe Eurasie-Afrique » …
Cfr. sur PCN-TV/
LUC MICHEL & FABRICE BEAUR: NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE. VERS L’INTEGRATION GEOECONOMIQUE DE L’AXE EURASIE-AFRIQUE
sur https://vimeo.com/218758549
(Sources : Fars – Xinhua – AFP – PCN-TV – EODE Think Tank)
Photo :
Le président chinois Xi Jinping serre la main de son homologue pakistanais Mamnoon Hussain, à gauche, à Rawalpindi.
LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE
* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
Géopolitique – Géoéconomie – Géoidéologie – Géohistoire –
Géopolitismes – Néoeurasisme – Néopanafricanisme
(Vu de Moscou et Malabo) :
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